Il y a quarante-et-un ans cette année, une révolution a renversé le régime monarchique iranien. L’ancien régime, cependant, a été remplacé par une dictature, la République islamique d’Iran. Non seulement ce nouveau régime n’a pas mis fin à l’acharnement contre les syndicats et les organisations politiques des travailleurs, il l’a intensifié. Ceci a commencé par l’assaut contre les comités d’usine et les conseils de travailleurs qui avaient pris forme pendant la révolution, pour s’étendre ensuite à tous les syndicats et partis des travailleurs. Quatre ans après la révolution, chacun des partis et organisations des travailleurs était supprimé et interdit, ensemble avec d’autres organisations démocratiques ainsi que tous ceux qui critiquaient le régime.
Plusieurs membres de ces organisations ont fait l’objet de répressions, ont été assassinés ou emprisonnés. En même temps, la législation en matière de travail et de sécurité sociale a été modifiée et imposée dans un sens contraire aux intérêts des travailleurs. Des Conseils de travail islamiques ont été lancés, qui ont défendu les intérêts capitalistes et aidé à la suppression des organisations indépendantes de travailleurs.
La répression des organisations de travailleurs a continué pendant les décennies qui s’y sont suivies et les conditions de vie des travailleurs se sont empiré d’année en année. Plusieurs familles de la classe ouvrière vivent désormais en-dessous du seuil de la pauvreté et l’écart des richesses s’est aggrandi, tout comme l’ont fait les phénomènes du travail enfantin, de la prostitution ou encore du nombre des sans-abri.
Par exemple, l’augmentation du salaire minimum pour les travailleurs iraniens pour l’année actuelle a été de 20% plus basse que le taux d’inflation (qui, lui, a dépassé 41%). Le coût de la vie ne cesse d’augmenter et atteint actuellement trois ou quatre fois le niveau du salaire moyen.
La sécurité d’emploi bafouée
Plus des deux tiers des travailleurs iraniens sont employés soit dans des ateliers de taille moyenne ou petite, soit dans des zones franches, et ne bénéficient donc pas des dispositions du code de travail, ni des droits, peu significatifs par ailleurs, garantis par celui-ci. Les employés des grandes unités ne disposent pas, pour la plupart, de contrats officiels; ils sont employés sur base de contrats de courte durée (moins de trois mois) et susceptibles d’être virés par leurs employeurs à tout moment. Ceci a pour effet de les décourager de participer à une quelconque protestation ou grève. Sur base des données officielles, il s’avère que plus de 90% des travailleurs en Iran sont non-officiels et contractuels et donc privés de sécurité d’emploi.
Interdiction des syndicats
Le régime fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la création ainsi que l’activité de syndicats indépendants. Ceci se fait notamment par la poursuite judiciaire et l’emprisonnement des leaders des travailleurs. Malgré tous les obstacles auxquels ils sont confrontés, un petit nombre de syndicats a réussi à se créer, dont les leaders sont emprisonnés depuis plusieurs années. Les seules organisations dont l’existence est officiellement autorisée sont liées au régime et utilisées par le régime comme outil de répression. A l’occasion de ce Premier mai, nous vous demandons de condamner la répression des syndicats par le gouvernement iranien, d’exiger la libération des leaders et des militants travaillistes et de mettre le gouvernement iranien sous pression afin que celui-ci respecte le droit des travailleurs iraniens de s’organiser et qu’il cesse l’harcèlement de l’activité syndicaliste en Iran.
Chômage en Iran
Le problème du chômage continue à s’amplifier. Les chiffres officiels n’en disent pas la vérité. Avant la crise du coronavirus, ceux-ci s’élevaient à 11%. Certains experts considèrent que le chiffre réel se situerait autour de 20%, c’est-à-dire à plus de 7 millions de personnes. Le chômage est plus élevé parmi les femmes et les jeunes, dépassant les 30%. Le gouvernement a échoué dans la création d’emplois.
La pandémie du Covid-19 y a rajouté des millions de sans-emplois. Seuls quelques 250,000 d’entre eux recevront des allocations de chômage et ceci pour une courte période seulement. Ce sont des travailleurs avec de longues années d’expérience, qui seront désormais remplacés par des travailleurs contractants à moindre coût.
Le droit sans entrave des employeurs de virer les travailleurs
Des modifications législatives ont donné aux employeurs le droit de virer leurs employés, sans restriction aucune. Les employeurs utilisent ce droit pour exploiter plus avant, garder les salaires bas, empêcher les grèves et punir les travailleurs qui protestent.
Les travailleurs sans droit de grève
Le droit à la grève n’est pas reconnu en Iran. Après chaque grève, bon nombre de travailleurs qui ont contribué à l’organiser sont virés ou encore emprisonnés ou, à l’occasion, torturés à coups de fouet. Mais la pression de la pauvreté et des salaires bas fait que l’incidence de grèves continue néanmoins à augmenter.
Conditions des femmes
Les femmes se retrouvent dans une situation encore pire s’agissant du niveau d’emploi, du droit de choisir leur emploi et de leur paie. Entre 18% et 20% des femmes seulement sont employées dans le secteur économique officiel où, d’ailleurs, elles sont victimes de discrimination de genre. Elles n’ont pas le droit de choisir parmi tous les types d’emploi auxquels elles souhaiteraient accéder, et leurs salaires (surtout dans le secteur privé) sont en moyenne de 30% plus bas que ceux de leurs équivalents masculins. Dans le secteur économique non-officiel, la différence de paie peut atteindre jusqu’à 50% ou même plus. Beaucoup de femmes perdent leurs emplois dès qu’elles tombent enceintes, alors que les mères d’enfants en bas âge sont rarement employées. Le coût élevé de la garde enfantine, ainsi que l’absence de dispositifs de garderie sur les lieux de travail ou à proximité de celui-ci, constituent autant d’obstacles supplémentaires.
Conditions des migrants, pires que celles des femmes
Il n’existe pas de chiffres fiables concernant le nombre de migrants en Iran, qu’il s’agisse de ceux en situation régulière ou de ceux en situation irrégulière. Les chiffres officiels varient entre 2 et 4 millions.
La majorité des travailleurs migrants est originaire d’Afghanistan, d’Iraq ou de Pakistan. Qu’ils soient détenteurs de permis de séjour ou pas, ils sont maltraités de toute façon. Pour la plupart, ils ne disposent pas d’assurance sociale ni ne sont couverts par le code de travail. Ils sont employés dans le secteur économique non-officiel ou même dans le noir, surtout dans le secteur de la construction. La paie dans ce secteur est très basse, les conditions de travail sont dures et caractérisées par l’insécurité. Ces travailleurs, pour la majorité d’entre eux, vivent dans des bidonvilles, dans des chambres louées sans dispositifs sanitaires adéquats, à la marge des grandes villes. Souvent, leurs enfants ne sont pas admis dans les écoles. Pour ceux qui sont nés en Iran, aucune carte d’identité n’est émise, ni ne le sera, même s’ils épousent un(e) Iranien(ne). La privation de carte d’identité conduit à l’exploitation de certains, en les faisant travailler pour la moitié ou le tiers de la paie habituelle.
La privatisation a induit la pauvreté
Les privatisations ont fait des ravages à l’économie iranienne pendant les trois dernières décennies. La plupart des unités dont le gouvernement était propriétaire a été vendue, à des prix très bas, au secteur privé pro-gouvernemental, ou encore donnée à très bas prix à des organismes gouvernementaux. Il ne reste à ce stade plus grand chose à privatiser. Ces privatisations de type corrompu sont allées de pair avec la destruction de la législation en matière de protections sociales. Les travailleurs au sein des unités concernées sont désormais victimes de conditions de travail pires et de salaires plus bas qu’avant, ainsi que d’une moindre sécurité d’emploi. Alors qu’il est interdit aux travailleurs de créer des syndicats, les employeurs, eux, bénéficient de leurs propres syndicats ainsi que du soutien du gouvernement, du système judiciaire, du parlement et des chefs des diverses organisations sécuritaires et policières.
Augmentation sans précédent des grèves et des protestations de travailleurs
Cela fait plus d’une décennie que le nombre des grèves de travailleurs augmente. Ceci s’explique par l’insatisfaction des travailleurs face à des politiques gouvernementales qui ont conduit à l’appauvrissement des travailleurs ainsi qu’à la diminution de leur sécurité sociale et d’emploi. Avant l’éruption de la pandémie, pendant l’année qui vient de s’écouler des milliers de protestations et de grèves de travailleurs ont secoué le pays. Des centaines de travailleurs ont été arrêtés ou privés de leurs emplois, et des dizaines ont été condamnés à des peines de prison. Les protestations se sont poursuivies cependant.
Rajouts à la souffrance du peuple : pandémie du coronavirus, sanctions imposées par les Etats-Unis
L’Iran est en proie à des crises socio-économiques depuis longtemps déjà. Celles-ci résultent surtout de l’incurie des politiques économiques et sociales du gouvernement ainsi que de ses interventions et de son aventurisme militaires, de la corruption répandue parmi les leaders et les gestionnaires gouvernementaux de haut niveau ainsi que de l’oppression du peuple. En outre, les sanctions économiques étendues imposées par les Etats-Unis, qui nuisent d’abord et avant tout à la population de base, ont amené à l’inflation des prix des denrées alimentaires, à l’augmentation du coût des médicaments et des traitements médicaux ainsi qu’à la remontée des taux de la pauvreté et du chômage. La poursuite des sanctions, alors que la pandémie du coronavirus sévit partout dans le pays et qu’il y a une pénurie de ressources sanitaires, a provoqué des décès supplémentaires.
Parti de Gauche d'Iran (Fadaiyan du Peuple)- Groupe de Travail Ouvriers
30/04/2020
Add new comment